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Zorba de l'Amerrouge
11 avril 2009

Un héros est mort. Une étoile est née.

Un héros est mort. Et la ville pleure. Personne d'autre ne se meurt au fond de ses larmes. Personne d'autre qu'elle ne larmoie sur ce personnage.
"Il
 est temps de partir." C'est le vent qui a parlé. Il a murmuré, comme l'on murmure à l'oreille d'un enfant. Il sait la douceur de l'être, il sait la tristesse urbaine, il sait la maison ivre.
Des bulles de savon s'envolent du quai. L'enfant est jeune. Les bulles enivrées. Elles tanguent sur le fleuve.
"Viens.
" Le fleuve aussi murmure, à son tour, ces vaines paroles. Il se fait l'allié du vent. Juste un autre élément.
De
rrière, la ville brûle. Le feu se meut à l'arrière-plan. Le feu se meut, le feu se meurt. La pluie l'assaille. Il résiste. Il résiste. Comme le cœur de l'enfant.
L
'enfant ne sait plus qui il est. Il est feu, il est flamme. Il est eau vive. Il est aussi léger que l'air. Il est une bulle de savon.
La
Terre le retient, sa terre. Sa terre à lui. La ville l'emprisonne dans un dédale de rues. Les rues prisonnières. Prisonnières du feu, prisonnières des morts. Prisonnières des âmes qui errent sans fin.
Le
s bulles montent encore, et le vent les emporte à la dérive du fleuve, loin de la ville brûlante. Leur cri est déchirant dans la nuit.
L
e cœur de l'enfant se brise, de ne pouvoir les suivre. Mais il sait les abandonner. C'est son seul choix. Leur offrir la liberté.
"Je t'a
ime." L'enfant a parlé. Sa voix résonne dans le vent. Oui, il l'aime. Il aime la ville, le vent et le fleuve. Il aime son ur. Il aime la bulle qui vient de s'envoler, plus coquette et fragile que toutes les autres. Il aime le feu, qui dévore les siens. Il aime les siens, qui hurlent à la mort.
L'
enfant est sauf. Mais il meurt avec eux. A jamais il sera différent.
"Donne-moi l
a main." Le vent reprend la parole, pour offrir son aide au gamin. L'enfant n'entend pas. Il sourit juste. Son sourire s'envole avec les bulles de ses yeux. Ses yeux qui pleurent. Un peu. Ses yeux pleurent, mais son cœur plus encore. Il pleure, ce petit cœur, ce petit cœur fragile, il pleure des larmes rouges, rouges du sang qu'elles crachent. Le rouge des flammes. Le rouge du sang qui coule dans ses veines, dans les veines de la ville. L'enfant ne s'est pas retourné. Il sait ce qu'il se passe. Mais il résiste, il reste là.
Un cri déchire la nuit. Un cri, qui brise la ville. me le vent désormais emporte le fleuve, pour qu'ils pleurent ensemble. C'est lare de l'enfant. C'est d'elle que venait le cri. Et c'est son cœur qui a crié. Sonur que le feu lèche, que le feu avale. Son cœur, d'coule un amour inébranlable. C'est ce cœur qui a hurlé. C'est ce cœur qui demande à l'enfant de s'en aller.
L
'enfant a entendu le cri. De tous, la ville, le fleuve, lare, le vent, le feu, et même les bulles, c'est lui, le plus courageux. Il n'a pas cillé. Il a écouté ce cœur. Il a puisé en lui. Il sait qu'elle se meurt, cette mère. Mais la mer jamais ne mourra. L'enfant est consolé. Quelques secondes au moins.
Le cœur de la mère crie encore. Il hurle à la mort, comme les loups hurlent les nuits de pleine lune, et plus encore. L'enfant aime les loups.
Le vent est une muse, et sa sœur Melpomène, feu de la tragédie, s'approche à pas de loups. La ville est Erato. Elle pleure à chaudes larmes.
Alors gronde la Terre. Cette terre impassible, qui voit mourir les siens. Elle arrive enfin.
L'
enfant regarde le sol, et lève les yeux au ciel.
La M
ort se ballade sur un nuage. Elle regarde l'enfant. Elle le voit, elle le veut. Elle délaisse la ville à ses subalternes. L'enfant est pour elle.
Mais
l'enfant n'est pas mort. Et la terre tremble encore. Alors le vent tourbillonnant tourne autour de l'enfant. Le fleuve hisse son rideau de fer. La ville cesse de pleurer. Elle doit encore se battre, avant de mourir. Oui, elle a encore son mot à dire. En l'honneur de tous ces morts, elle se relève, cette ville détruite. Déjà elle n'est plus que ruines fumantes. Mais il n'y a plus de miroir, il n'y a plus que des âmes.
La Mo
rt les voit tous. Elle ricane, sous cape noire. Elle brandit sa faux, le fleuve descend. Elle achève le vent.
"Tu
es à ma merci..." La voix de la mort résonne dans la tête de l'enfant. Ce n'est pas une voix ordinaire. Mais la ville est là, elle, et elle reprend le cri de la mère.
La
Mort s'étire, la Mort a mal. Tant d'amour n'a rien d'idéal. Mais elle veut l'enfant. Elle lance sa faux sur la ville, qui s'effondre. Elle s'approche alors, et appelle le feu.
L'enfa
nt regarde la bulle qui s'envole. Elle s'éclate sur la faux. C'est bien jeune, pour mourir ainsi, se dit l'enfant.
Le feu arrive à toute vitesse. Il n'y a plus aucune résistance. Seul le cri de la mère résonne encore dans la vallée étourdie.
Alors le feu se rappelle qui il est. Il encercle l'enfant, et fait face à la mort. Le feu se fait, pour un instant seulement, Clio, et décide de l'histoire. Il se lève au ciel, invoquant Uranie. Alors le revoilà Calliope, domptant la mort. Le vent siffle à nouveau. Il se fait Terpsichore, dansant à la victoire prématurée. Le feu parle à la Mort. Et la Mort se rit de cette performance. Mais elle reste sans voix. Le feu a réponse a tout. Il protège l'enfant.
Le fle
uve est à l'écoute. Il voit la Mort perdre. Accompagnant Terpsichore, le fleuve Euterpe se met à rire, d'un rire des plus musicaux.
L'enf
ant libère les bulles. Il regarde tour à tour le Vent, la Mort, et le Fleuve ; derrière lui, la ville s'est tue.
L'enfant se lève. Alors son cœur, Polymnie, se lève à son tour. Et Polymnie parle. Elle parle d'elle. Au nom de ses sœurs. Au nom de la mère.
L
a Mort renonce déjà. Les autres éléments, les autres Muses se regroupent autour de l'enfant.
La
ville lui offre son nombre, et sa popularité. L'enfant remercie Erato. Le fleuve lui donne son eau, et en fait ses yeux. L'enfant sourit en regardant Euterpe. Le ciel prend l'enfant, et l'inscrit dans la voûte céleste. L'enfant gardera des étoiles dans les yeux. Des étoiles pour Uranie. Alors le feu se lève et offre à l'enfant le cœur de sa mère, ou plutôt sa sensibilité, pour enrichir Polymnie. Il lui offre aussi sa force, sa véhémence et son courage. L'enfant sera fort, sensible, beau et bon parleur, tout comme Calliope et Melpomène.
E
nfin le vent emporte l'enfant, si loin dans les nuages que l'enfant rit des nuages qu'il avale. Le vent lui offre l'agilité, la douceur, la persévérance et l'inventivité de Terpsichore. Il lui offre le souffle de la vie. Il lui offre la voix du murmure. Celle qui comprend la nature.
Alors, l'enfant reçoit son nom. Tous ensemble, le Feu, le Vent, le Fleuve, la Ville et le Ciel, rejoint par le cri de la mère et par le cœur de l'enfant, tous ensemble murmurent : Clioooooooo... Et dans un souffle, l'enfant reconnaît son nom. Il est l'Histoire. Il est celle qui sera. Il est ce qui a été. L'enfant sourit.
Il est désormais seul. Mais tous sont en lui. Une Muse n'oublie jamais ses sœurs.
Un hé
ros, cette nuit, est mort. Une étoile est née.

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