Dream

" Oh oh oh ... Et je rêve que Soudan mon pays soudain se soulève... Oh oh oh... Rêver c'est déjà ça, c'est déjà ça..."

Rêver, c'est déjà ça. Non... Non, moi je ne veux plus rêver. On en crève de rêver. L'espoir fait vivre? Moi je dis qu'il fait mourir, à petit feu ou à feu plus mordant, qu'importe, car lorsqu'on meurt, plus rien n'a d'importance que ce fait-là : on est mort. Je n'en peux plus de rêver. De rêver d'un monde meilleur. De rêver d'un avenir, pour moi, pour vous, pour les supposées générations futures. Rêver de concrétiser nos rêves. Mais chaque jour qui passe est un coup de poignard dans le coeur de nos rêves. C'est peut-être ça, un rêve : Quelqu'un qui est dans l'eau, qui tente vainement d'atteindre la surface, et que l'idée seule de pouvoir alors respirer le tient en vie. Mais au lieu de nager vers la surface, il se trouve à nouveau poussé, entrainé vers le fond. Et plus le temps passe, bien sûr, plus il manque d'air.
Je passe ma vie à penser - si seulement ces pensées pouvaient se taire. Rêve est un joli mot, mais il me semble soudain morbide, empreint d'un sentiment si étrange et si oppressant que je ne peux l'appréhender comme étant positif. Je voudrais m'arrêter, un instant, juste un instant. Je voudrais vivre enfin pour de vrai, et pas seulement dans mes rêves. Je voudrais être quelqu'un - quelqu'un d'autre.
Et chaque nuit, le rêve reprend ses droits sur ma personne. Et à chaque réveil, il me faut, il nous faut comprendre que ça n'était qu'un rêve. Un parmi tant d'autres.
Mes rêves ont reçu tellement de coups de poignard, de sabre et de dague ; ils ont tellement saigné. Et pourtant, ils continuent à m'ensorceler. Day after day. Warum?

Il y a de ces jours - et ils peuvent être nombreux - où j'aimerais disparaître. Me fondre en un autre être, être un Kikuta, un Muto, une Shirakawa ; être une sorcière, ou un de ces orphelins qui se battent pour une juste cause ; être un de ces héros si pétri de qualités, si humains, qu'on donnerait n'importe quoi pour être eux, un seul instant. Disparaître de ce monde. Et si les rêves étaient la vraie vie? Et si la vie n'était qu'un cauchemar dont on se réveille en s'endormant? Mais le monde est là. Et c'est dans le monde qu'il faut vivre. Il a bon dos, le monde, elle a bon dos, la vie. Un dos d'âne, ou tout s'entasse, ou l'ânée se fait chaque jour plus lourde et plus dure à porter. Pourtant, l'âne ne dit rien. Ou du moins, on étouffe ses faibles protestations, comme on étouffe ses éventuels cris de joie. On l'étouffe, on l'asservit pour mieux s'en servir. Que le monde est odieux.

Comment rêver peut-il encore être bon pour le moral?

"Les hommes éveillés n'ont qu'un monde, mais les hommes endormis ont chacun leur monde" Héraclite.

En somme, il y a, au mieux, un monde de trop.