Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Zorba de l'Amerrouge
15 avril 2009

Rain

My name is Rain. "Je m'appelle Rain". La jeune fille avait parlé. Elle ne devait pas avoir plus de l'âge qu'elle prétendait avoir. C'était là quelque chose qui la différenciait des autres.
Ainsi, elle s'appelait Pluie. Ce nom lui allait fort bien. Elle semblait si conciliante, et en même temps avoir tant de caractères ; ses yeux bleus-gris, d'une douceur extrême, auraient rappelé le ciel d'orage au pessimiste. Pluie. C'était sobre. Elle n'était pas prétentieuse de ce nom, non.
Je le compris plus tard, Pluie était vraiment une enfant du ciel. Voilà ce qui la différenciait encore des autres jeunes filles.
Lorsqu'il pleuvait, Pluie passait inaperçue : une goutte parmi tant d'autres. Lorsque le soleil décidait de briller, l'on eut presque crû voir un arc-en-ciel au fond de ses yeux.
Ses yeux... Ils avaient des reflets comme nul autre n'en avait - et n'en aurait jamais. Des reflets roses. Lorsque je m'en étonnai, Pluie dit simplement que ses sœurs brillaient à travers elle. Un matheux n'aurait jamais compris ce qui sonnait comme une métaphore - car Pluie était fille unique. Plus que fille unique, d'ailleurs. Elle était orpheline. Elle était arrivée ici, maintenant. Enfin, quelques mois avant que je ne la remarque. Car Pluie se fondait facilement dans la masse. Et personne ne savait d'où elle venait, qui l'avait élevée, ou même à quoi elle ressemblait lorsqu'elle était plus jeune. Non. Elle s'appelait Pluie, avait des yeux couleur ciels et un visage indéfinissable, elle possédait un caractère paradoxal. Point. Il n'y avait rien à lui soutirer. D'aucune manière que ce soit.
Pluie se contentait de l'amitié "de l'eau". Elle était à l'aise dans les cours d'eau comme personne.
Les jours de pluie, je la voyais souvent préoccupée. Quelqu'un me dit un jour ce qu'elle - il faut le croire - devait penser : s'il pleut, c'est que le ciel veut nous dire quelque chose, ou qu'il se passe quelque chose de grave : on n'éjecte pas de leur maison des dizaines de filles goutes ni de fils flocons pour rien.
Car Pluie semblait se sentir plus du Ciel que de la Terre. Sa démarche était très aérienne, et en même temps très lourde. Comme je l'ai dit, Pluie était faite de paradoxes.
Si chez vous, il a déjà plu, vous avez déjà, comme moi, dû apercevoir quelques flaques boueuses se former. Lorsqu'elle en croisait une, Pluie s'arrêtait un instant, le regard nostalgique. Un jour, j'osai lui demander pourquoi ce regard envers cette flaque - pour moi, ce n'était jamais que de la boue, et du reste, je n'aimais pas trop perdre mon temps pour simplement zieuter une flaque de boue...
Elle dit juste : "C'est comme ça que je suis née. Pourquoi crois-tu que j'aie cette couleur?". Et elle repartit. Effectivement, la peau de Pluie était un peu plus foncée que la mienne - excepté son visage, d'une blancheur presque translucide.
Un jour, dans la rue, elle s'envola. On m'avait déjà raconté un épisode comme celui-là, où elle avait faillit s'envoler, mais je ne l'eut pas crû avant de l'avoir vu de mes yeux. Mais là, devant moi, Pluie décolla du sol. Elle ne parut ni effrayée ni quoi que ce soit. Le plus étrange était que, ce jour, il n'y avait pas de vent. Nous la rattrapâmes, mais Pluie voulait que nous la lâchions. Ils m'attendent... Ils m'ont appelée... Pluie nous faisait peur, nous pensions que, peut-être, elle était malade. Nous la retînmes de force sur le sol, et l'emmenâmes à l'infirmerie dévouée aux bâtiments scolaires.
Pluie était redevenue docile, et l'infirmière ne crût rien de ce que nous pouvions lui raconter. Pluie repartit. Je ne la revis plus jamais. Mais, parfois, je croise en rue l'une ou l'autre jeune fille qui lui ressemble. Je ne manque jamais de m'arrêter, frappé par cette ressemblance - ces filles n'avaient jamais le bon âge que pour être sœurs, filles ou mères de Pluie. Toujours, ces jeunes filles me saluent étrangement, comme si elles me connaissaient, sans toutefois savoir qui je suis.
Je crois, qu'en fait, elles savaient toutes à qui je pensais en les voyant. Ce n'était peut-être pas Pluie, mais je compris qu'elles étaient toutes sœurs, et en même temps une seule. Elles n'étaient qu'envoyées par le Ciel. Et puis elles devaient rentrer.
Je ne vis plus jamais une goutte d'eau, un jour pluvieux ou une flaque de boue de la même manière, après le départ de Pluie. J'ai même appris à communiquer avec le Ciel : les nuages semblent répondre à mes questions, mais peut-être que je deviens seulement fou.
Mais je compris aussi que si Pluie avait l'air si préoccupée, les jours pluvieux, c'était qu'elle ne voulait pas qu'on la dérange : quand une horde d'amis s'invite chez vous, vous n'avez pas envie de voir défiler les vendeurs de porte-à-porte, les curieux, les voisins...juste devant chez vous. Pluie saluait ses sœurs. Peut-être leur donnait-elle des conseils, ou des instructions. Un simple regard lui suffisait à faire passer tant de choses.
Aujourd'hui, j'ai une fille. Elle a des reflets roses au fond de ses yeux bleus. Parfois, je me demande si je rêve. Parfois, je me demande qui sont, finalement, ses parents. Et si nous sommes au courant de tout. Le premier mot qu'elle a prononcé fut "Lune". Finalement, je me demande si ce ne sont pas les enfants, qui choisissent leur prénom. Finalement, je me demande si ce ne sont pas les enfants, qui choisissent leur destin.

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité
Albums Photos
Archives
Zorba de l'Amerrouge
  • Un blog par ci, un par là... En voilà un tout neuf qui naît sous mes doigts! Alors si vous passez par là... Zieutez, scrutez, commentez... Un blog, c'est fait pour ça! Pour être doucement piétiné... Et pour garder les empreintes de nos vies rêvées...
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Newsletter
Publicité